Lui, au moins, il avait toujours du succès.
A peine avait-il poussé son cri de guerre : « Pôôô d’lapin pôôô ! » que les portes s’ouvraient et que les gens s’approchaient. Normal, car lui était bien le seul marchand ambulant qui ne vendait rien. Au contraire, il achetait, son commerce était plutôt florissant.
Pas une famille en effet, à ce temps-là, qui n’ait pas, dans sa cour ou dans un appentis attenant, quelques baraques faites de vieilles planches récupérées, portes grillagées, charnières de cuir usagé, dans lesquelles grouillaient des lapins par nichées de 7 ou 8 – et même plus – et à 2 ou 3 par case pour les plus gros. Pour les nourrir, c’était facile. D’abord les épluchures, qui ne manquaient pas car on se nourrissait beaucoup de légumes. Puis, selon les saisons, les pissenlits, les « cornes de cabe » qu’on allait cueillir au bord des routes, l’herbe qu’on ramenait en allant à la « botte » ou, l’hiver, les betteraves qu’on avait remisées à la cave et le foin du grenier. Parfois, quelques croûtes de pain - rarement – car alors, le pain, c’était sacré… on ne le gaspillait pas.
Le marchand de peaux de lapins retirait la baguette d’osier, examinait les peaux, les empoignait, les tâtait, les soupesait faisait la moue puis une discussion s’engageait où, sous par sous, l’un marchandait pendant que l’autre essayait d’en tirer le meilleur prix.
Ce marchand ambulant revendait ensuite son butin à des grossistes, tanneurs, manufacturiers pour qu’ils en fassent des vestes, manteaux, bonnets, chapeaux, chaussons. Au XIXe siècle la peau de lapin détrône la peau de castor.Cette industrie devient rapidement prospère.
En 1970 ce métier disparaît peu à peu.