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Année 2025

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Vouziers : histoire de monuments et d’hommages.

 

Taine, illustre écrivain, n’a jamais vraiment intéressé les Vouzinois. Malgré tout, une rue Taine a remplacé depuis 1905 l’ancienne rue de l’Aisne qui conduisait au pont de pierre sur l’Aisne. Une plaque sur l’actuel bâtiment de la poste rappelle que dans une maison qui s’élevait là précédemment est né le 21 avril 1828, Hippolyte Adolphe Taine (la plaque comporte une faute avec l’inversion du y d’Hyppolite). Sur la place Carnot, le buste de Taine sera prochainement réinstallé après les importants travaux de rénovation de la place. Il s’y dresse depuis 1962. C’est le troisième buste de Taine élevé à Vouziers. Pourquoi et que sont devenus les deux autres bustes ? Enfin des hommages ont été rendus dans sa ville natale au philosophe, à l’historien, membre de l’Académie Française en 1878. Toute une histoire qui mérite d’être contée. Le monument quasi anonyme dédié au poète vouzinois Paul Drouot intrigue mais n’invite pas à faire davantage connaissance avec cet écrivain. Un hommage conjoint avec Taine lui a été rendu en 1939. Nous en parlerons !

Hippolyte Adolphe Taine. Son père, Jean Baptiste Taine, avoué plaidant au tribunal s’installe à Vouziers en 1826 en louant le premier étage d’une maison faisant l’angle des actuelles rue Chanzy et Avetant . L’année suivante il épouse sa cousine germaine Virginie Besançon-Taine et de cette union naît le 21 avril 1828 Hippolyte Adolphe. Ce dernier aura deux sœurs et vivra à Vouziers une première enfance heureuse. En 1839, il poursuit son éducation à l’institution Pierson à Rethel. Son père meurt en 1841 et aussitôt, le jeune garçon est envoyé à l’institut Mathé à Paris, ville qu’il ne quittera plus, allant du lycée Bourbon (aujourd’hui Condorcet), à l’École Normale supérieure où il entre le premier de sa promotion. Refusé à l’agrégation, Taine devient, malgré cela, professeur de philosophe mais il quittera l’enseignement pour s’installer à Paris où bientôt il connaît ses premiers succès littéraires. Chevalier de la Légion d’Honneur en 1866 , il épouse l’année suivante Melle Denuelle avec qui il aura deux enfants, une fille Geneviève puis Émile, un garçon. Taine va jusqu’à sa mort le 5 mars 1893 construire, avec passion, une œuvre littéraire très importante, en sa qualité de philosophe et d’historien. Citons simplement quelques titres  : « les philosophes français au XIXème siècle, La Fontaine et ses fables, Philosophie de l’art, Histoire de la littérature anglaise, les origines de la France contemporaine en 5 volumes ». Taine, universitaire chevronné, docteur es lettres, professeur d’esthétique et d’histoire de l’art à l’École des Beaux arts, critique littéraire, historien, philosophe et journaliste, membre de l’Académie française, jouit d’une réputation internationale. Il est célébré comme un des plus grands esprits du siècle et pourtant ils restent , lui et son œuvre, quasiment inconnus dans sa ville natale.

 monument Taine 1

Premier monument à Taine - collection Bernard Banasiak

 

 TAINE2

portrait de Taine (artiste inconnu)

Premier monument, premier hommage à Hippolyte Taine.

1905 : un comité parisien se crée en 1901 avec pour but d’élever une statue à Taine. En 1905, la ville concède un petit terrain, à l’angle de la rue de l’Aisne et de la rue Chanzy, en face de l’église Saint-Maurille, mais le comité doit payer 1100 francs pour son aménagement. Le monument, financé par une souscription publique, comporte un buste en bronze de Taine, assez ressemblant, posé au sommet d’une stèle fine et haute de 3 mètres en granit poli des Vosges. Au pied, la statue en bronze d’une jeune femme personnifie la philosophie. Elle est accoudée à une pile de livres portant au dos les titres d’ouvrages de Taine. Ces titres sont gravés aussi sur un côté de la stèle. Sur la face principale de la stèle est gravée une citation latine : «  Causas rerum altissimas candido et constanti animo philosophia, historia, literis(sic) perscrutatus, veritatem unice dilexit » * À noter la faute dans litteris qui s’écrit avec 2 T. Le monument est posé sur une plate-forme en pierre blanche ceinte d’un hémicycle en granit. L’ensemble statuaire est l’œuvre d’un jeune artiste ardennais de Givet, Stanislas Martougen (1873-1962), aux talents multiples (dessin, peinture, sculpture et musique). Il entre en 1891 à l’Ecole supérieure des Arts décoratifs de Paris puis il est admis à l’école des Beaux-Arts où il fréquente l’atelier de Gustave Moreau. Il fréquente le milieu artistique de Montmartre et grâce à ce réseau de relations acquiert la notoriété. Il expose au Salon des artistes français à partir de 1899 puis au Salon des indépendants à partir de 1903. Il est surtout connu pour ses nus mais il a commis aussi des paysages. L’artiste fera partie des fondateurs de l’Ardenne à Paris qu’il présidera en 1955. En sculpture ses créations sont assez rares. Le monument à Taine constitue une pièce maîtresse de son œuvre. Ce monument se situe alors en haut de la rue Taine, nouveau nom donné à la rue de l’Aisne. Il est inauguré le 24 septembre 1905 en présence de M. Dujardin-Beaumetz, sous secrétaire d’état au ministère de l’instruction publique. La ville est pavoisée et le cortège des personnalités inaugure ce même jour, l’école de garçons (devenue école Dodeman), le château d’eau et le réseau de distribution alimenté par les sources de La Croix-aux-Bois, et une plaque apposée sur la maison natale de l’académicien. L’inauguration du monument suscite une multitude de discours dont ceux, remarqués, du maire, Désiré Guelliot, du député Lucien Hubert et du ministre. Un banquet et un bal clôturent ces festivités

1917 : Les Allemands éditent des cartes du monument de Taine mais, face aux réalités de la guerre, ils vont enlever, en 1917, les statues en bronze pour les fondre comme la plupart des cloches des églises. De ce beau monument, seule la stèle sans son buste subsistera jusqu’en 1939.

 

La société des écrivains ardennais associe dans un même hommage Taine et Drouot

 
1939 : Taine et Drouot associés dans un même hommage.

Il faut attendre le 25 juin 1939 pour qu’un nouveau buste de Taine soit inauguré cette fois dans un square en bas de la place Carnot. Il est différent du premier mais toujours de l’artiste Stanislas Martougen. Il est posé sur une stèle massive en pierre de Savonnières sur laquelle on a reproduit la citation latine gravée sur le monument précédent. On a aussi reproduit la faute faite initialement sur ce monument en écrivant le mot literis avec un seul t. Ce texte reste totalement incompréhensible pour les Vouzinois sauf pour quelques lettrés. Ce nouveau bronze sera lui aussi fondu comme le précédent en 1942 par les occupants allemands pour alimenter les fabriques d’armes. Et le socle restera privé de son buste pendant 20 ans.

Ce même jour, le 25 juin 1939 après-midi, la société des écrivains ardennais organisait son « Après-midi du livre » placé sous la présidence d’Émile Henriot, poète, romancier, qui deviendra membre de l’Académie française en 1945. Sous une pluie battante, un cortège impressionnant de personnalités sous la conduite de M. Scheuer, maire de Vouziers, procède à l’inauguration du monument dédié au poète Paul Drouot.

 Drouot

Paul Drouot

       paul drouot statue 
         

Jean-Paul Vaillant, directeur fondateur de la revue « La Grive » remet, au nom de la société des gens de lettres qui l’a financé, le monument à la ville et conclut en déclarant : « Ne vous étonnez pas de ne pas voir ici un buste ou un médaillon de Paul Drouot… Le 2 août 1914, il formulait ce vœu dans son testament : « Je ne veux pas laisser de traces ». Il était pourtant de notre devoir de commémorer Paul Drouot : ce monument presque anonyme est dédié à la poésie et à l’Héroïsme ». Emile Henriot, poète, au nom de l’association des Écrivains Combattants, prononce sur son ami Paul Drouot, un admirable discours. Le lieutenant Leroy, frère d’armes de Drouot, blessé lui-même par l’obus qui tua le poète, apporte le fraternel salut des Anciens combattants du 3ème bataillon de chasseurs. Sur le monument, un acte héroïque de Paul Drouot est évoqué qui lui vaudra l’attribution de la Croix de Guerre. Le 8 mai 1915, au cours d’une attaque à laquelle il participe au côté du commandant Madelin, ce dernier est grièvement frappé d’une balle à la gorge. Il demande à Drouot de l’évacuer debout pour ne pas montrer aux chasseurs qu’il est atteint. Drouot mobilise ses faibles forces et réussit. Le commandant meurt en arrivant au poste de secours. Drouot écrit « le commandant a été tué hier soir. J’ai pu faire mon devoir, j’en suis fier et je remercie Dieu ».

Le monument est dû à l’émouvant talent de Geneviève Granger. La mélancolique jeune fille symbolise la jeune poésie française en deuil, ou, selon une autre lecture, la muse inspiratrice du poète vouzinois. Geneviève Granger, née à Tulle le 1er février 1877 et morte à Paris le 5 avril 1967 , est une sculptrice, céramiste, médailleuse et graveuse d’ex-libris. Elle est l'élève du sculpteur André Paul Arthur Massoulle (1851-1901) et du graveur de médailles Ernest Henri Dubois (1863-1930). Sociétaire de la Société des artistes français depuis 1899, elle a débuté au Salon des artistes français en 1895 en envoyant un buste qui représentait sa mère. Il ouvrait une liste vertigineuse d’œuvres qu’elle a créées dans les sections sculpture et gravure en médailles jusqu’en 1958. Vouziers peut tirer de la fierté de détenir une œuvre sensible de cette grande artiste.

 

 Martougen

Stanislas MARTOUGEN

autoportrait 

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 granger genevieve

Geneviève GRANGER

autoportrait - 1899

musée d'Orsay

 

Paul Drouot est né à Vouziers le 21 mai 1886. Il meurt tué par un éclat d’obus, le 9 juin 1915, dans une tranchée près d’Aix-Noulette. Il repose dans le cimetière militaire de cette commune. Paul Drouot écrivit plusieurs livres de poésie qui révélèrent un poète inspiré  : la chanson d’Eliacin, la Grappe de raisin, Sous le vocable du chêne. Il n’achèvera pas le roman « Eurydice deux fois perdue » qui sera pourtant publié en 1921, préfacé par Henri de Régnier. D’autres éditions suivront dont celle de 1986, sur souscription publique, avec le concours des villes de Charleville-Mézières et de Vouziers. Le monument dédié à Paul Drouot implanté initialement dans un petit square, symétriquement à celui où se dressait le buste de Taine, en bas de la Place Carnot, vient d’être lui aussi réimplanté en bas de cette même place après ses travaux de rénovation.

Ce 25 juin 1939, il est procédé à l’inauguration de l’école de filles, l’école Taine.

Depuis 1962 jusqu’à aujourd’hui

1962 : Le conseil municipal de Vouziers réuni le 25 juin 1962 considérant que le buste d’Hippolyte Taine commandé à Elie Badré, sculpteur à Hautes-rivières est terminé décide d’ouvrir les crédits pour financer le buste en pierre de Savonnières pour un montant de 2750 nouveaux francs soit environ 420 euros, l’aménagement du socle qui est légèrement rehaussé et la pose pour 1060 NF soit environ 160 euros. La dépense est donc modeste. Elie Badré a sculpté, directement, dans de la pierre de Savonnières le buste de Taine. Puis il réalise une épreuve en plâtre patiné bronze doré de l’original destiné l’école Masaryk qu’il offre à la ville. Cette première épreuve est aujourd’hui à la bibliothèque municipale .

Ce troisième buste de Taine ne sera pas inauguré. Il faudra attendre 1978 pour qu’une traduction en français de la citation latine gravée sur le socle soit lisible sur une plaque posée à côté du monument : « Ayant scruté les causes les plus profondes des choses avec la candeur et la constance de son âme, en philosophie, en histoire, en littérature, il aima uniquement la Vérité »

 Elie Badre
 Elie Badré (collection Michel Coistia)

 

Elie Badré( 1905-1987) est fils et petit-fils de tailleurs de pierre, en patois « tailleux d’pîrre » de Hautes-Rivières Il n’est donc pas étonnant qu’à 14 ans il entre en apprentissage chez un tailleur de pierre belge de Vireux-Molhain. Dès la fin de son apprentissage il signe des sculptures et se fait remarquer par ses dessins. Après son service militaire, en 1927, il se forme à la sculpture à l’académie Julian auprès des maîtres renommés Bouchard et Landowski. Il est admis en 1928 comme élève à l’École nationale des Beaux-arts de Paris où il a comme professeur Jules Coutant. Il se marie en 1933 et ouvre un atelier à Mézières. La sculpture funéraire constitue l’essentiel de son travail. Progressivement ses créations artistiques occupent une place plus importante. En 1937, c’est le buste de Jean-Baptiste Clément à Nouzonville. Pendant la guerre, il devient chef de chantier dans une entreprise de Brive puis y installe son atelier au service des Monuments historiques. En 1945, Il construit une chapelle en pierre de Savonnières dans le cimetière des Hautes-Rivières. Ce chantier l’aide à vivre. Après un court passage à Paris en 1950, il retrouve les Hautes-Rivières en 1951, où sa vie matérielle est très difficile. En 1958, il est couronné « meilleur ouvrier de France », en sculpture, devant 900 candidats. Cela lui apporte alors la notoriété. Il reçoit des commandes de communes et réalise pour le compte des monuments historiques de nombreuses restaurations dans des églises et châteaux. Après les décès de ses parents et de son épouse en 1961, il installe son atelier dans la maison familiale. Son remariage en 1966 avec Anne-Marie Rose née Hénon ouvre une période de vie plus sereine où les pièces maîtresses en sculpture et les œuvres réalisées en terre cuite abondent. Elie Badré meurt le 31 mars 1987.

1966 : le samedi 9 juillet marque un événement philatélique important par la mise en vente premier jour à Vouziers du timbre hors série de 30 centimes + une surtaxe de 10 centimes au bénéfice de la Croix-Rouge, édité en hommage à Hippolyte Taine. Imprimé en taille-douce, de couleurs brun et vert, édité à 3 300 000 exemplaires. Ce beau timbre a été dessiné par Jean Pheulpin et gravé par René Cottet. L’amicale philatélique de Vouziers, présidée par Marcel Caquot, anime cet événement qui se prolonge le dimanche 10 juillet. Une belle exposition philatélique, la vente de cartes , d’enveloppes et d’encarts illustrés obtiennent un franc succès

À cette occasion une flamme d’oblitération créée par Monsieur Fior, représentant le portail de l’église Saint-Maurille et l’effigie d’Hippolyte Taine est mise en service. Elle le restera, en flamme à gauche jusqu’en mars 1970 puis comme flamme à droite jusqu’en juin de la même année date de son retrait.

1978 : La ville a célébré le 150ème anniversaire de la naissance d’Hippolyte Taine. Tout au long de cette année, un petit comité de rédaction autour d’Albert Bourez, cadre honoraire de l’éducation nationale, a élaboré un livre consacré à la vie et à l’œuvre de l’illustre Vouzinois. Après des recherches approfondies, après avoir réuni auprès de la famille des photographies et de précieux documents, après avoir dépouillé et analysé une multitudes de sources diverses, ce groupe rédactionnel a finalisé la maquette d’un livre de 141 pages que la ville a édité en novembre 1978.

Pour la sortie publique de l’ouvrage, une soirée présidée par Monseigneur Leflon, écrivain ardennais et membre de l’Institut, s’est tenue avec succès dans les salons de l’hôtel de ville, le 18 novembre. Une exposition réunissant photos et documents biographiques de l’écrivain-historien y était installée. Elle restera accessible aux visiteurs jusque fin 1978. Actuellement des exemplaires du livre sont encore disponibles auprès du service communication de la ville.

1986 : Cette année du centenaire de la naissance de Paul Drouot est marquée par diverses animations.

En Juin, une souscription publique pour la réédition du roman inachevé de Paul Drouot, « Eurydice deux fois perdue » est lancée. C’est l’occasion de faire connaître l’œuvre littéraire du poète.

22 septembre : mise en service d’une flamme d’oblitération en hommage à Paul Drouot et édition de 2 cartes postales à son effigie.

Du 8 au 23 novembre, dans les salons de l’hôtel de ville, présentation d’une exposition consacrée à la vie et à l’œuvre du poète. Le vernissage de l’exposition se déroule le 10 novembre.

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L’Assemblée Générale Extraordinaire de dissolution de notre association s'est tenue le vendredi 31 janvier 2025 à 21h15 au CPR, rue de l’Agriculture à Vouziers.

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    Le patrimoine pendant 40 ans dans nos vies.

Depuis le 18 décembre 1984 jusqu’à ce vendredi 31 janvier 2025, le patrimoine du Vouzinois et d’ailleurs, nous a réunis, à plusieurs moments et dans de diverses circonstances chaque année. Même pendant les années Covid où les réunions étaient interdites ou compliquées, nous sommes restés en contact.

Une véritable complicité s’est installée entre nous, des amitiés se sont établies au fil du temps. Notre association a conforté chaleureusement des liens que votre fidélité a noués. Pendant 40 ans, nous nous sommes retrouvés régulièrement et avec le plus grand plaisir. Cela n’est pas banal !

Le patrimoine qui laisse encore indifférent beaucoup trop de personnes, nous a séduits, tous ensemble. L’association de nos curiosités, nos intérêts partagés pour des sujets historiques ou/et patrimoniaux, le plaisir de nous retrouver dans de plaisantes et intéressantes circonstances, tout cela a permis à notre association de vivre une riche aventure de 40 ans. Nous en gardons de beaux souvenirs que la dissolution de l’ASPV ne saurait atteindre.

Merci à toutes et tous pour votre fidèle engagement qui a constitué l’indéniable richesse de cœur et d’esprit de notre si chère association !

Michel Coistia

 

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